jeudi 14 avril 2011

Au fond, la démocratie directe en Suisse, c'est quoi?

Peut être le temps est-il venu d'approfondir la question si complexe, si subjective et pourtant si nécessaire à la survie de votre attention pour ce blog : au fait, la démocratie directe suisse, c'est quoi? 

Tout d'abord, c'est le sujet principal du webdocumentaire en gestation qui motive l'existence de ce blog. La réponse à la question est donc difficile à donner puisqu'elle doit être complète et incomplète à la fois. Inutile, en effet, de tenter de faire le tour de la question une semaine après avoir lancé la réalisation du reportage... Vous comprendrez que je dois ménager un certain suspense pour que le webdoc intéresse encore deux ou trois personnes quand il sera fini. 

Néanmoins, et c'est là que le noeud devient gordien, un des buts de ce blog est de vous faire participer à l'enquête, de vous offrir l'occasion de poser vos questions à mes futurs interlocuteurs. Il est donc indispensable que vous connaissiez les rudiments de théorie politique pour que vous vous glissiez au mieux dans le déguisement d'un journaliste fiable et cultivé (si si ça existe!). 

Tentons donc, pour introduire le concept, de le définir en quelques mots. Voici ce qu'en dit le Petit Robert: 
DEMOCRATIE: 1. Doctrine politique d'après laquelle la souveraineté doit appartenir à l'ensemble des citoyens; (...) - Démocratie directe, où le peuple exerce directement sa souveraineté Démocratie représentative, où le peuple élit des représentants. 

Photos Libres
La démocratie directe s'oppose donc à la démocratie représentative où les lois sont faites par les représentants du peuple réunis dans un parlement. Dans le monde, la démocratie directe (on dit aussi démocratie participative pour être moins... direct) prend des formes diverses et variées. En général, il s'agit de systèmes de consultation populaire par lequel le gouvernement (souvent d'une entité locale) demande à ses administrés de s'exprimer sur un point précis. Leur avis a parfois force de loi, parfois, il n'est que consultatif. 

Deux mécanismes
En Suisse, la réflexion a été poussée plus loin. Au niveau national, suite à un long processus initié au XIXe siècle, la confédération helvétique s'est dotée de deux institutions permettant au peuple d'exprimer directement ses choix. 

Le premier mécanisme a avoir été mis en place est le référendum. Sa première forme, le référendum obligatoire, impose, depuis 1848, aux autorités fédérales de demander l'avis de la population avant d'effectuer le moindre changement dans la constitution ou (depuis 1977) avant l'adhésion du pays à une entité supranationale. 

Plus tard, une autre forme de référendum a été introduite: le référendum facultatif. Grâce à ce système, n'importe quel citoyen suisse peut, après avoir rendu à la chancellerie fédérale une pétition signée par 50 000 personnes, imposer qu'on consulte l'ensemble de la nation avant de signer un traité international ou de promulguer une loi voulue par le parlement fédéral. 

Le deuxième mécanisme est appelé initiative populaire. Il permet, lui, de proposer une révision totale ou partielle de la constitution fédérale. Cette occasion est donnée à tout citoyen qui a réussi à récolter au moins 100 000 signatures. 

Les Suisses peuvent donc faire barrage à une loi qui ne leur convient pas, d'une part, et proposer directement des lois, d'autre part.

La démocratie directe pure n'existe pas
Ce régime politique est unique au monde et permet une participation très poussée du citoyen. Cependant, on ne peut pas le qualifier de démocratie directe pure. En effet, la démocratie directe désigne plus un idéal philosophique où les citoyens décideraient de toutes les affaires qui concernent leur pays. Comme cette organisation politique est trop lourde et presque impossible à mettre en place, la Suisse fait coexister l'initiative et le référendum avec un parlement représentatif qui propose et vote bien plus de lois que le peuple en entier. Donc, même si l'usage admet l'utilisation de démocratie directe pour désigner la philosophie, l'idéal politique suisse, certains lui préfèrent les termes démocratie semi-directe pour qualifier les institutions réellement existantes. 

Il y a évidemment un bon millier d'autres choses à dire à propos de ce concept politique si prometteur et pourtant si souvent décrié. Tant de remarques, tant de développements à faire. Mais ça, c'est pour plus tard.

Pour ceux qui sont arrivés si loin dans la lecture de ce très long post, et qui, donc, on fait preuve d'une motivation remarquable, une dernière observation s'impose: les mécanismes développés ici concernent le niveau fédéral mais s'appliquent aussi dans les entités fédérées, à l'échelon cantonal et local, donc. La démocratie directe (ou participative ou semi-directe, à vous de choisir), se retrouve donc partout en Suisse et imprègne la vie politique de toute la fédération. 

Pour les anglophiles qui souhaiteraient en savoir (beaucoup) plus, le très bon Swiss Democracy de Wolf Linder, développe très clairement les enjeux et les antécédents du modèle de démocratie suisse. Etienne Grisel, dans son Initiative et référendum populaires, traité de la démocratie semi-directe en droit suisse, développe, lui, le côté juridique de la démocratie directe et définit avec une grande précision tous les termes relatifs à ce système complexe.

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